Pour une fois je n’ai pas écrit cet article toute seule. J’ai demandé de l’aide à tous les anciens de la Ravoire présents sur Facebook pour qu’ils m’aident tous à replonger dans nos souvenirs de traitement.
Quand j’ai pensé à écrire cet article, je me suis vite rendue compte que je n’avais plus que des souvenirs assez flous. Même en relisant mon cahier journal je n’ai pas vraiment trouvé matière. Je parle des tubages, des piqures journalières, des gros médicaments, de la vitamine B1 B6, et surtout de tout ce qui me faisait vomir à ne plus manger.
La Ravoire n’a pas été un lieu de haute gastronomie, mais nous pouvions manger tout ce que l’on voulait et surtout dans des quantités astronomiques. J’en ferais un article, mais revenons aux traitements.
Marie-Claude (année 63/64) m’a fait une liste de tous les traitements qu’elle a subi et cela a allumé ma mémoire (je t’embrasse ma Marie-Claude). Eliane nous a rappelé que nous avons dévoré des tonnes de bananes avec nos traitements et surtout du fromage (de l’Emmenthal rien que cela .. )
Tout le monde se souvient des tubages (Pascalou en premier ..) mais le reste ????
Le lendemain de notre arrivée, avant même de pouvoir prendre le petit déjeuner, c’était pesée, prise de sang, et tubage !!! Ah les tubages, l’horreur pour nous tous !
Quand je suis arrivée à la Ravoire (premier logement dans la chambre de Brigitte .. ) j’ai été condamné aux perfusions quotidiennes. Au début c’étaient des grandes bouteilles avec un liquide qui n’était pas de la même couleur tous les jours. Ces perfusions nous étaient gracieusement installées pour toute la journée, et tout cela jusqu’au dimanche jour du Seigneur et de repos
Certaines infirmières avaient le don de nous « rater », et nous devions être piquée et repiquée plusieurs fois pour installer la perfusion. Mais Mémère, elle, c’était du premier coup, même dans une veine abimée par les échecs répétitifs. Je me souviens que les premiers temps ces perfusions duraient des heures et des heures et que nous n’avions pas le droit de bouger ou de lire ou de faire autre chose. J’ai vécu cette période comme une punition. Elles me faisaient vomir et je n’arrivais pas à manger.
Puis les bouteilles sont devenues plus petites, et toujours de couleur blanche, et là nous avions le « droit » d’accélérer le mouvement (le débit). Elles étaient censées durer 3 heures, mais uniquement quand Mémère veillait au grain sinon en 1 heure max tout était passé.
Au bout de quelques mois, les perfusions ont laissées la place au traitement oral, et comme Marie-Claude me l’a rappelé, nous devions prendre nos médicaments tous les matins dans le local des infirmières, juste avant de prendre le déjeuner.
Je me souviens du rimifon et de la vitamine B1 B6 que l’on prenait tous les jours .. des sirops pour la toux (ou pour nous faire tenir tranquille)
Durant mon séjour à la Ravoire, j’ai amélioré ma résistance aux piqures (quelque soit leur taille maintenant elles ne me font plus peur ..) et surtout j’ai perfectionné l’épaisseur de mes veines du bras. Ces dernières ressemblent encore et toujours à celles d’un drogué (on m’ souvent posé la question d’ailleurs ..) et il est toujours difficile de trouver une veine
Voilà le traitement en 63/64 .. Souvenir de Marie-Claude
« Nous avions de la streptomycine (1 piqûre tous les matins, au coup de sonnette nous défilions dans le local des infirmières), du P.A.S. (en perfusion puis en comprimés, des gros comprimés blancs, au bout de quelques mois, à l'arrêt des perfusions), le rimifon (petits comprimés blancs), les vitamines B1 B6. En 1963, nous étions quelques unes, à avoir du trécator IV en perfusion, en remplacement du P.A.S., puis je l'ai eu en comprimés. Alors je crois que c'était un peu à titre expérimental. Certaines ne le supportaient pas, moi je vomissais tous les après-midi et j'avais beaucoup maigri, j'avais des piqûres pour reprendre du poids (elles doivent faire effet maintenant!). Ensuite je l'ai eu en comprimé. Maimaire m'a avoué, quand je l'ai revu en 1982, que les infirmières n'aimaient pas préparer ces perfusions de trécator, je crois qu'elles en connaissaient les dangers. C'était un liquide jaune citron qui laissait un goût horrible dans la bouche. Voilà mes souvenirs Marie. J'avais tout noté mes traitements, je vais t'envoyer cela. Bien sûr, c'est le traitement que j'ai eu, selon la gravité de notre maladie, nous n'avons pas subi la même chose. Nous avions aussi des audiogrammes, je crois que c'était à cause de la strepto qui agissait sur l'audition, les tubages et des tomographies. Tout cela en 1963-64. »
J’ai cherché et trouvé sur le net toutes ces horreurs que l’on a pu nous donner et le Trécator IV est encore en service. La streptomycine est quand à elle toujours en service puisque c’est un antibiotique
Bref, tous ces traitements ne nous ont pas aidés et moi je me souviens des traitements à la cortisone qui m’ont fait gonfler comme une baudruche. Ces prises journalières étaient non seulement une torture mais elles nous détruisaient aussi le foie autant que le moral.
Malgré le « gavage » intensif des agents de cuisine comme Maman Dino, nous n’arrivions pas à manger correctement car notre estomac refusait parfois toute forme de nourriture, mais Maman Dino savait elle nous faire manger car elle connaissait nos pêchés mignons à nous tous.
Je me suis rappelé grâce à mes écrits de l’époque, qu’il m’arrivait ainsi qu’à Brigitte de faire la « grève de la faim ». Alors là c’était le branle bas de combat pour toute l’équipe médicale. Cela nous permettait de faire une pause dans nos traitements (surtout pas de prise de médicaments sans manger) et aussi de montrer notre mécontentement.
Quand nous étions en période de « Je refuse de manger na ! » nous avions certes la paix côté médicaments mais nous avions les infirmières sur le dos nous menaçant de tous les maux du monde : le classique : « Tu vas mourir et tu vas faire de la peine à tes parents » au « Si tu ne mange pas tu n’iras pas en promenade (ou au cinéma .. ou ailleurs) »
Et là encore et toujours la seule qui arrivait à nous faire manger même si nous étions au bord du vomissement perpétuel, c’était Mémère .. Elle nous emmenait en promenade ou chez elle, elle nous écoutait parler de notre vie, et de tous les malheurs que nous devions supporter
Elle n’a jamais utilisé avec nous les menaces traditionnelles car comment croire à « Tu vas faire de la peine à tes parents » alors que nous avions bien souvent le sentiment d’abandon. Non elle c’était l’écoute et le réconfort. Elle nous traitait comme ses enfants et grâce à elle nous avions une famille. Je crois que nous ne pourrons jamais lui dire à quel point elle a pu nous aider
Quand à Maman Dino c’était la complicité. Elle savait nous faire plaisir, et elle avait toujours quelque chose dans la cuisine pour nous faire manger encore et toujours
En un mot, les traitements que nous avons tous subis étaient durs à supporter et ils n’ont fait qu’aggraver ce sentiment d’injustice et de révolte que nous avons plus ou moins inconsciemment vécu à la Ravoire. Ce n’est pas le meilleur souvenir que je garderais de cette période, mais comme les tubages, cela fait partie de mon passé, de notre passé à tous et à toutes ..
Merci à vous tous, mes ami(e)s de m’avoir aidé à me rappeler de toutes ces horreurs, mais il fallait bien en parler un jour, car la Ravoire n’était pas un
club de vacances loin de là, et si nous avons connu un bonheur embelli par les années, nous avons vraiment connu la souffrance et la peur